Les conséquences marquantes d’une tragédie ferroviaire : l’histoire d’une survivante
Depuis plus de 30 ans, Lene Tonnisen vit avec les conséquences d’une tragédie ferroviaire. Quand elle n’avait que 18 ans, elle rentrait chez elle après une pratique de basketball dans la petite ville de Thamesford, en Ontario. Elle a été grièvement blessée quand la voiture dont elle était la passagère ne s’est pas arrêtée à un passage à niveau et a été heurtée par un train.
Aujourd’hui, Lene vit avec les conséquences physiques et psychologiques de cet accident. Elle a partagé son histoire avec Opération Gareautrain.
Que pouvez-vous dire au sujet de l’accident ?
C’était ma dernière année d’études secondaires et le deuxième jour d’école. Nous avions eu une pratique de basketball et je rentrais chez moi avec une de mes coéquipières, Becky. Il n’y avait que nous et son père dans la voiture. Son père me reconduisait chez moi, et je pense que c’était la première fois qu’il prenait ce chemin. Je disais à tout le monde qu’il fallait s’arrêter à la voie ferrée et regarder des deux côtés parce que ce n’était qu’une croix d’avertissement. (Une croix d’avertissement est un panneau de signalisation qui indique qu’il y a un passage à niveau sans voyants clignotants, cloches ni barrières. Ce sont deux morceaux de bois ou de métal joints pour former un « X ».)
Il y avait des champs de maïs des deux côtés de la voie ferrée et il fallait être très près de la voie pour voir. Je ralentissais toujours quand je conduisais et, s’il faisait noir, j’éteignais les phares pour voir s’il y avait les feux d’un train. Je rallumais ensuite les phares, je baissais les vitres, j’avançais très lentement et j’écoutais si un train arrivait. Avant de traverser la voie ferrée, je m’arrêtais et je regardais des deux côtés.
L’accident était ce qui arrive une fois sur un million. Nous traversions lentement la voie ferrée alors que le train arrivait. Il nous a heurtés du côté du conducteur. Nous n’avons pas été traînés très loin avant d’être en quelque sorte éjectés de la voie ferrée.
Je n’avais pas ma ceinture de sécurité abdominale parce qu’une amie m’avait dit qu’on pouvait devenir quadriplégique ou paraplégique si on avait un grave accident. J’imagine que je me suis cogné le bas de la tête et que j’ai ensuite été éjectée du véhicule pour heurter un arbre.
Qu’est-il arrivé à votre amie et à son père ?
Elle était gravement blessée, avec des lésions internes, et son père est mort. Il est probablement mort avant que les ambulanciers arrivent.
Quelles blessures avez-vous subies ?
J’ai eu un traumatisme crânien. J’ai été dans le coma pendant environ 10 jours. Je ne me rappelle pas grand-chose avant le douzième jour. Je me souviens de m’être réveillée et de m’être sentie bizarre, comme si j’étais dans la Quatrième Dimension.
J’étais blessée aux genoux, j’avais des coupures sur les coudes et la cage thoracique et j’avais la pommette fracturée. J’ai dû subir une chirurgie, avec une plaque pour tout tenir ensemble.
Quels sont les conséquences durables de cet accident ?
J’ai toujours des problèmes à cause du traumatisme crânien. J’ai commencé à avoir des migraines environ un an et demi plus tard, mais quand elles ont commencé, c’était vraiment fort.
Un an après l’accident, j’étais à l’université. La deuxième année d’université s’est passée comme dans un brouillard. Je pouvais avoir ces migraines 24 heures sur 24, sept jours sur sept. La nuit, je me disais : « Si je pouvais juste m’endormir, la migraine aura disparu demain matin. » Mais quand je me réveillais, elle était toujours là. Les migraines pouvaient durer de quatre à six semaines.
Cette année-là, j’ai dû être hospitalisée à cause d’une cellulite orbitaire [une inflammation des tissus de l’œil]. Et j’ai des problèmes de sinus depuis.
Pendant longtemps, chaque fois que j’entendais un train—même si je n’entendais pas vraiment le sifflet—la peur s’emparait de moi.
À quoi voulez-vous que les gens pensent quand ils arrivent à un passage à niveau qui n’a qu’une croix d’avertissement ?
Je veux qu’ils sachent qu’ils doivent s’arrêter. Et que s’ils ne le font pas, qu’au moins ils ralentissent et regardent des deux côtés. La loi nous oblige à nous arrêter et à regarder des deux côtés, et à ne pas traverser si la voie n’est pas libre des deux côtés. S’il y a plus d’une voie ferrée, il faut s’assurer que toutes les voies sont dégagées avant de traverser. Parce que ça ne vaut pas la peine de mourir, ça ne vaut pas la peine d’être blessé.
Ça fait plus de 30 ans maintenant, et parfois, quand un train me prend par surprise, je suis un peu effrayée. Et j’ai toujours de la difficulté à cause du traumatisme crânien, même si j’ai survécu, Dieu merci. Je devrais être tétraplégique. Je devrais être morte. Statistiquement parlant, compte tenu de ce qui est arrivé, personne n’aurait dû survivre à cet accident. Deux d’entre nous ont survécu, et je dois vivre avec les conséquences d’avoir été heurtée par un train.
Ça me met en colère quand j’entends parler de gens qui tentent de battre un train de vitesse quand les voyants clignotent et que les barrières s’abaissent. J’ai envie de dire : « Attendez un peu. Vous avez la chance de voir les signaux d’avertissement, alors respectez-les ! Ils sont là pour vous protéger. C’est votre vie qui est en jeu ! »