Survivre à un incident ferroviaire peut être un cauchemar qui dure toute une vie
Le 12 juillet 1996, alors que Jennifer McNorton avait 15 ans, sa vie a changé pour toujours. Avec sa petite sœur Krista, elle a décidé de prendre un raccourci à travers les voies ferrées à Tecumseh, en Ontario. Lorsque Jennifer a entendu un train arriver, elle a bondi par-dessus la voie ferrée à temps, mais sa petite sœur n’en a pas eu le temps.
Au cours de ces 22 dernières années, Jennifer ne s’est jamais exprimée publiquement au sujet de l’accident—mais c’est une journée qu’elle ne pourra jamais oublier. Aujourd’hui mère de deux petites filles et enseignante à l’école primaire, elle sait à quel point l’éducation en matière de sécurité ferroviaire est importante et elle espère que le fait de partager son histoire pourra sauver la vie de quelqu’un. Elle a récemment partagé ses souvenirs de cette journée tragique avec Opération Gareautrain.
À quel point vous souvenez-vous de l’inccident ?
C'est quelque chose que je n’oublierai jamais. Cela a changé nos vies et a été dévastateur pour ma famille et ma communauté. Je me sens comme si, en un sens, mon enfance a pris fin ce jour-là.
J’avais 15 ans et ma sœur Krista en avait 11. Les vacances d’été avaient commencé quelques semaines plus tôt et nous aimions faire la grasse matinée et passer du temps ensemble. Nous allions acheter un cadeau de mariage auquel nous étions invitées, et je voulais arriver au magasin plus vite, alors nous sommes montées toutes les deux sur ma bicyclette jusqu’aux voies ferrées. Une fois sur la voie ferrée, nous avons marché tout en parlant tandis que je roulais à vélo et je le lui ai ensuite donné pour pouvoir marcher. Je pensais que je pourrais vaguement entendre le train, mais nous étions si absorbées par notre conversation que ce n’était vraiment qu’un bruit de fond. Mais lorsque je l’ai entendu à nouveau, j’ai réalisé qu’un train arrivait, alors j’ai dit à Krista : « Je crois que j’entends un train arriver ! On devrait quitter la voie ferrée. » Je ne me souviens même pas comment j’ai fait, mais aussitôt après, le train est passé à toute vitesse. J’étais si près que j’ai pensé qu’il allait m’aspirer—j’ai pu sentir le courant d’air provoqué par son passage.
L’enquête a révélé plus tard que je n’avais littéralement que quelques secondes pour réagir à cause du temps qu’il faisait ce jour-là. Le vent soufflait dans la direction opposée, empêchant ainsi d’entendre le bruit directement à l’avant du train. C’était une tempête parfaite ! Les conducteurs du train ont tout d’abord pensé que ma sœur et moi étions des sacs de détritus qui traînaient sur la voie ferrée. Mais une fois plus près, ils ont réalisé que nous étions deux enfants. Ils ne nous ont même pas vues nous sauver, alors ils ont pensé qu’ils nous avaient percutées toutes les deux.
Quand avez-vous réalisé que Krista avait été heurtée ?
Une fois que le train est passé, je me souviens d’avoir espéré la voir, mais je ne voyais rien. Je criais « Oh, mon Dieu ! » encore et encore de toutes mes forces, mais elle n’était pas là. La bicyclette n’était plus qu’un amas de métal tordu à mes pieds et j’ai alors réalisé que ma sœur n’allait pas bien, qu’elle avait été happée par le train.
Les gens ont commencé à courir vers moi de partout à la fois et je leur ai dit que ma petite sœur avait été heurtée. Tout ce que je pouvais faire, c’était crier. J’avais si peur pour ma mère et je croyais que cette nouvelle allait la tuer. Elle disait toujours que ma sœur et moi étions toute sa vie et qu’elle ne savait pas comment elle pourrait survivre si elle perdait l’une de nous deux. Alors, à l’âge de 15 ans, j’ai vraiment cru que ma mère allait mourir à ce moment-là. J’étais terrorisée par la douleur que cette nouvelle allait provoquer chez ma mère, mon père et toute ma famille. Je n’ai jamais ressenti autant d’émotions intenses au même moment.
Lorsque vous repensez à cette journée, qu’est-ce qui vous revient le plus en mémoire ?
C’est une question difficile parce que je me souviens de tout. J’ai ressassé toute cette journée, chaque petit détail, encore et encore. Il y a des années, j’ai décidé d’arrêter de me torturer et de me punir en repassant l’accident dans ma tête, car peu importe le nombre de fois où je le ferais, je ne pourrais pas changer ce qui était arrivé.
Mais il y a des petites choses qui ressurgissent. L’une d’elles est qu’une fois devant l’intersection, j’aurais pu aller à gauche pour contourner les voies ferrées, ou aller à droite pour prendre le raccourci et j’ai hésité. Je me souviens clairement que mon instinct me disait d’aller à gauche afin de faire le grand détour. Je n’oublierai jamais ce moment, car j’ai nettement l’impression que cette fraction de seconde a tout changé.
Comment cette journée a-t-elle changé votre vision des trains et des voies ferrées ?
Avant l’accident, j’ai sincèrement pensé que nous aurions le temps de quitter la voie ferrée si nous entendions un train approcher. Le raccourci que nous avions pris était bien connu et je l’empruntais presque tous les jours. Il nous permettait de gagner beaucoup de temps au lieu de faire le grand détour jusqu’au passage pour piétons. Beaucoup d’enfants l’utilisaient. Visiblement, nous pensions tous être en sécurité. Mais j’ai appris une dure leçon de réalité avec cet accident—que la vie est fragile et qu’il suffit d’une seconde pour qu’elle bascule.
Comme pour les trains, je sais pertinemment qu’il faut se tenir loin des voies ferrées, car une fois dessus, vous ne pouvez pas entendre le train avant qu’il ne soit trop tard. Et les trains sont trop lourds et trop rapides pour s’arrêter à temps. Il m’a fallu des années avant de même pouvoir traverser calmement un passage pour piétons là où il y avait des voies ferrées à cause de l’anxiété que cela suscitait chez moi. Encore aujourd’hui, le son et la vue d’un train me rendent triste. C’est tout simplement une réalité avec laquelle je vis, mais un constant rappel de la perte avec laquelle nous devons vivre. Cela ne s’efface jamais.
Si vous pouviez parler aux enfants qui empruntent les voies ferrées comme raccourci, qu’aimeriez-vous leur dire ?
Votre vie est précieuse et fragile, alors faites attention. Faites les bons choix. Pensez-y avant de prendre un raccourci. Si j’avais compris que je choisissais de risquer ma vie et la vie de ma petite sœur, je n’aurais pas traversé les voies ferrées ce jour-là. Si j’avais su que ma sœur serait tuée par un train ce jour-là, j’aurais fait le grand détour. Prenez le temps de peser le pour et le contre dans chaque situation et soyez conscients que vous n’êtes pas à l’abri du danger et des tragédies. Des accidents comme le mien peuvent arriver à n’importe qui.
Lisez mon histoire et j’espère qu’elle vous apprendra quelque chose. Je vis encore avec ce traumatisme. Je ne souhaite cela à personne. Ce genre d’erreur est facile à éviter. Un raccourci peut vous épargner un peu de temps, mais faire le détour pourrait sauver la vie de quelqu’un. Je vous en prie, évitez les voies ferrées afin de rester vous, votre famille et vos amis, en sécurité.