Le programme JOUEZ PRUDEMMENT des Amputés de guerre a été lancé en 1978 dans le but de sensibiliser les enfants aux dangers qui les guettent tous les jours. Des membres du Programme des enfants amputés (LES VAINQUEURS)—dont nombre ont été victimes d’un accident—parlent avec les enfants dans des écoles et des groupes communautaires à travers le pays et s’expriment dans des vidéos et messages d’intérêt public. Ces Ambassadeurs de la sécurité disent à d’autres enfants de prendre conscience des dangers avant de jouer, que ce soit dans leur cour arrière, dans les rues du voisinage, ou encore à proximité des passages à niveau ou d’autres propriétés ferroviaires.
Rob Larman est le directeur du Programme JOUEZ PRUDEMMENT/ PRUDENCE AU VOLANT des Amputés de guerre. Il s’est impliqué auprès de cette organisation il y a 35 ans pour des raisons très personnelles. En effet, alors qu’il n’avait que 14 ans, il a perdu une jambe lors d’un incident ferroviaire. Il raconte son histoire à Opération Gareautrain.
Vous ne connaissez que trop bien les risques—et les conséquences—d’un comportement non sécuritaire à proximité des trains. Pouvez-vous me dire ce qui vous est arrivé il y a 40 ans ?
C’était le 21 novembre 1978 et mes amis m’ont mis au défi de grimper sur un train de marchandises qui roulait lentement. Je voulais relever ce défi, alors j’ai couru à côté du train et j’ai sauté dessus. Mais lorsque celui-ci a commencé à prendre de la vitesse, je me suis demandé comment j’allais en descendre et j’ai alors sauté. Mes pieds ont touché le sol, mais j’ai perdu l’équilibre et je suis tombé en arrière, vers le train. Il m’a alors heurté à l’épaule et m’a mis à terre. Je me suis retrouvé sous le wagon qui m’a traîné jusqu’à ce les roues me sectionnent la jambe sous le genou.
On a dû m’amputer la jambe au-dessus du genou à cause des dommages. J’ai récupéré, mais j’ai dû rester environ trois mois à l’hôpital. Je suis retourné à la maison, j’ai réintégré l’école et je suis ensuite allé faire ajuster ma jambe artificielle, à peu près cinq ou six mois après mon accident.
C’était il y a longtemps, mais c’est sûrement quelque chose qu’on n’oublie jamais. À quel point cette tragédie vous a-t-elle personnellement perturbé ?
Vous savez, il y a une foule d’émotions qui vous submergent lorsque vous vivez ce genre d’épreuve traumatisante, spécialement à l’âge critique de 14 ans. À l’époque, j’ai pensé que c’était la fin du monde. Je ne voyais pas comment j’allais pouvoir me remettre de quelque chose qui m’empêcherait de faire du sport ou de sortir avec une fille. Je ne savais pas comment j’allais gérer tout ça. Mais des membres vétérans de nos Amputés de guerre m’ont pris sous leur aile, et j’ai bientôt réalisé que ce n’était pas la fin du monde et que j’avais énormément de soutien. Il m’a bien fallu deux ans avant d’en arriver à la conclusion que : « Oui ça va bien aller. »
Je me suis directement impliqué dans cette organisation et j’ai appris à accepter mon amputation. J’ai alors été capable d’écouter les conseils qu’on me donnait et de les utiliser afin d’aider d’autres jeunes enfants ainsi que les familles qui doivent élever un enfant avec un membre artificiel.
Comment pensez-vous que votre propre expérience vous permet d’aider les enfants munis d’une prothèse ?
La compassion est, je crois, la meilleure façon de décrire cela. La plus grande différence est que la compassion que vous éprouvez pour ces gens-là et la compréhension de ce qu’ils vivent ou de leur lutte—d’être « normal » et d’ensuite devoir vivre avec une amputation. Mais handicapé ne veut pas dire incapable. Ça signifie simplement que nous devons faire les choses autrement. Ça peut être difficile. Mais le secret est d’avoir assez de compassion pour écouter d’autres personnes aux prises avec ces difficultés et de dire : « Oui, je comprends et c’est normal de se sentir comme ça et c’est normal que tu sois en colère aujourd’hui. » Parce qu’une fois qu’on se débarrasse de cette colère et qu’on passe à travers toutes les étapes du chagrin et de la frustration, le lendemain sera toujours une journée plus positive.
Alors, vous leur faites comprendre que demain ça ira mieux, mais il y a autre chose que votre organisation fait, et c’est de prévenir ce genre d’accidents avant tout. Si vous pouviez parler avec un enfant ou un jeune qui pense à sauter sur un train de marchandises parce qu’on lui a lancé un défi, que lui diriez-vous ?
Je pense que je dirais : « Si tu prends un risque—sauter sur un train, utiliser les voies ferrées comme raccourci, ou contourner les barrières abaissées à passage à niveau—tu augmentes le risque qu’il t’arrive quelque chose. Si tu penses à la sécurité tous les jours et fais de bons choix, tu réduis le risque qu’il t’arrive quelque chose. »
Et je crois qu’il est très important de pouvoir partager une histoire sur la sécurité afin de démontrer à quel point prendre des risques ne vaut pas le prix à payer. C’est en faisant vraiment, vraiment comprendre aux jeunes enfants que leurs membres sont les seuls qu’ils ont. Qu’on veut les protéger. Qu’on ne veut pas prendre de raccourci. Qu’on ne veut pas prendre de risque.