Voici Jean-Guy DuSablon. Depuis plus de 30 ans, il travaille avec le secteur ferroviaire du Canada. Il a d’abord travaillé comme préposé aux services pour les trains de voyageurs de VIA, puis comme conseiller en sécurité au siège social de Montréal. Bien que Jean-Guy ait pris sa retraite il y a six ans, il demeure un actif Ambassadeur de la sécurité ferroviaire d’Opération Gareautrain.
À titre de coordonnateur régional de l’Est, il fait des centaines de présentations dans des écoles et des communautés partout au Québec, notamment dans de nombreuses communautés autochtones. Ça l’amène parfois à faire une liaison où des incidents tragiques se sont produits, par exemple dans la communauté de Wemotaci, au Québec, une réserve de Premières Nations située à 400 km au nord de Montréal.
En septembre 2018, un garçon de 8 ans a été tué à Wemotaci alors qu’il s’est fait heurter par un train. Avec d’autres enfants, il jouait sur un pont ferroviaire au-dessus de la rivière Saint-Maurice quand un train de voyageurs est arrivé sur la voie. Les autres enfants ont pu quitter le pont à temps, mais pas le garçon.
Nous avons demandé à Jean-Guy pourquoi il transmet le message sur la sécurité ferroviaire depuis près de 15 ans et pourquoi il pense qu’il est critique de partager ce message avec les communautés autochtones.
Pourquoi est-il important de faire une liaison dans les communautés autochtones en particulier ?
Ça sauve des vies. Si nous pouvons faire une différence en sauvant une vie ou en prévenant une blessure, ça vaut la peine. Les conséquences d’un incident lié à un passage à niveau ou à une intrusion sont très graves—vous pouvez perdre la vie, ou un bras ou une jambe. Les gens ne réalisent pas ça, et c’est pourquoi je travaille sur le volet éducatif.
De nombreuses communautés autochtones sont isolées, et elles n’ont pas la même information qu’à Montréal ou Ottawa. De plus, elles existaient avant la construction des voies ferrées, et elles ne comprennent pas bien la notion de l’intrusion... leur philosophie est différente.
Je crois également qu’il est important de les faire participer. C’est pour ça que je ne vais pas les voir pour leur dire quoi faire. Je veux qu’elles me disent comment nous pouvons les soutenir. Par exemple, lors de la présentation à Wemotaci, on m’a conseillé d’avoir le matériel traduit dans la langue autochtone, ce que nous avons fait.
Pourquoi le fait de traduire le matériel dans des langues autochtones aide à transmettre le message ?
Il le faut parce que leur culture est très importante pour les Autochtones. Ils enseignent leur culture, leurs traditions et leurs langues anciennes à leurs enfants—pour retrouver leur identité. Il est donc plus facile de créer des liens avec eux si le matériel est traduit dans leur langue. Je suis parfois accompagné d’un interprète. Habituellement, la communauté aime ça et veut m’offrir quelqu’un pour l’interprétation pour que je puisse faire la présentation dans sa langue.
Quel est votre message quand vous faites ces présentations ?
C’est simple. Les rails sont faits pour les trains, pas pour les humains. Si vous restez loin des voies ferrées et respectez tous les panneaux et signaux d’avertissement, vous ne courez aucun risque. C’est vraiment très simple. Cependant, les communautés autochtones utilisent des VTT et des motoneiges. Ça fait partie de leur mode de vie, c’est un moyen de déplacement. Si je sais que les gens traversent les voies ferrées avec ces véhicules, je vais en parler. Je pense que les gens ne réalisent pas vraiment les risques liés aux trains et aux voies ferrées. C’est pour ça que l’éducation est si importante.
Quel genre de risques voyez-vous les gens prendre ?
Il y a plus de trains de banlieue dans la région de Montréal aujourd’hui. Je vois beaucoup de gens prendre des risques. Même si la cloche sonne et la barrière s’abaisse, je vois des gens passer en dessous et courir sur la voie pour attraper leur train. Tout le monde est pressé aujourd’hui. Personne ne veut attendre deux minutes pour prendre le train suivant.
Est-ce que le message sur la sécurité ferroviaire est compris ?
La sécurité s’est beaucoup améliorée. Prenons les voitures par exemple. Nous utilisons des ceintures de sécurité. À une époque, il n’y avait pas de ceintures de sécurité dans les voitures. Les gens viennent me voir et me racontent des histoires sur ce qu’ils faisaient, eux ou leurs amis, près des voies ferrées quand ils étaient jeunes. Mais ils comprennent aujourd’hui qu’ils doivent être prudents. De plus, certains ont perdu un ami ou un membre de leur famille, alors ils soutiennent vraiment Opération Gareautrain.
Pendant combien de temps allez-vous être un Ambassadeur de la sécurité ferroviaire ?
Eh bien, j’ai 62 ans. J’aimerais le faire jusqu’à ma mort... mais je vais probablement arrêter à 65 ans. Je veux seulement sauver des vies et réduire le nombre de blessures et de décès partout au Canada.