Vivre avec le souvenir d’une tragédie ferroviaire
Dave Matichuk a été chef de train au CN pendant 37 ans. Même s’il est à la retraite depuis dix ans, il y a certaines choses qu’il ne peut tout simplement pas oublier. Deux fois pendant la carrière de Dave, le train qu’il conduisait a heurté et tué quelqu’un sur la voie ferrée. Dave a parlé à Opération Gareautrain de la façon dont ces deux tragédies l’ont affecté et pourquoi elles l’ont poussé à transmettre le message sur la sécurité ferroviaire.
À quelle fréquence avez-vous été témoin de comportements non sécuritaires sur les voies ferrées au fil des ans ?
Il arrive très souvent qu’on évite un accident de justesse. Vous savez, les gens ne prennent pas le temps de s’arrêter, d’écouter et de regarder. Et le train gagne toujours. C’est tout simplement terrifiant. On peut toujours remplacer du matériel, mais pas une vie humaine. C’est pourquoi il faut sensibiliser les gens. Si on peut sauver une vie par la sensibilisation, on fait notre travail, parce qu’une mort est toujours une mort de trop.
Pouvez-vous parler d’un incident tragique que vous avez personnellement vécu ?
Une nuit, nous rentrions et roulions à environ 100 kilomètres à l’heure. Il était minuit et il faisait noir. La nuit, on ne peut pas voir le passage à niveau ou les gens au passage à niveau avant d’être presque dessus. Mais nous pouvions voir un homme qui tentait de traverser avec son fauteuil roulant. Les roues avant étaient bloquées entre le rail et le madrier, et il tentait de les dégager.
Nous l’avons heurté à 100 kilomètres à l’heure. Il nous a fallu presque deux kilomètres et demi pour arrêter le train, et j’ai commencé à courir vers l’homme. Nous l’avons trouvé. Tous les os de son corps étaient cassés. Ce sont des choses horribles auxquelles les gens ne pensent pas.
Vous êtes à la retraite depuis maintenant dix ans. Ces incidents sont-ils toujours présents à votre esprit ?
Les gens ne réalisent pas ce que vit l’équipage du train quand il y a un accident mortel. Je sais que ce n’est pas ma faute parce que je n’avais aucun contrôle. Cependant, ça me brise le cœur de savoir que le frère, l’oncle, le cousin ou le père de quelqu’un a été tué parce qu’il ne faisait pas attention. Que ce soit votre faute ou non, c’est toujours horrible de vivre avec ça, parce que vous avez tué quelqu’un. C’est affreux de voir quelqu’un se faire tuer. Et c’est affreux de voir les conséquences sur la famille. Quand nous avons heurté l’homme en fauteuil roulant, sa famille est venue et je pouvais entendre les gens hurler dans la voiture de police parce qu’ils avaient perdu un proche. C’est horrible. Vous savez, je revis très souvent ces deux incidents.
Que voudriez-vous que les gens comprennent au sujet des trains et des voies ferrées ?
Les trains peuvent rouler à toute heure du jour et de la nuit. Ils roulent 24 heures sur 24, sept jours sur sept, 365 jours par année. Et les trains gagnent toujours. Alors, prenez le temps de vous arrêter. Ne contournez pas les barrières—elles sont abaissées et les voyants clignotent pour une bonne raison. Et ce n’est pas parce que les barrières sont relevées et que les voyants sont éteints qu’il est sécuritaire de traverser, parce qu’ils sont mécaniques et peuvent être défectueux. Assurez-vous de vous arrêter et de regarder des deux côtés, et traversez uniquement quand c’est sécuritaire. Si vous devez éteindre la radio et baisser la vitre, surtout quand le temps est brumeux ou pluvieux, faites-le pour assurer votre sécurité. Parce qu’une vie est plus importante que tout le reste.