Vue de l’intérieur d’un train : une mécanicienne de locomotive de VIA partage son expérience des tragédies ferroviaires

Angèle Brisson conduit des trains depuis près de 20 ans—ces cinq dernières années comme mécanicienne de locomotive pour VIA Rail.  Au fil des ans, elle a été témoin d’une foule de comportements non sécuritaires près des voies ferrées.  Malheureusement, elle a aussi vu les conséquences tragiques que ces comportements peuvent avoir.  Mme Brisson exploite des trains voyageurs entre Ottawa et Montréal.  Bien qu’elle adore son travail, elle dit qu’elle est choquée par certains des risques que les gens prennent près des voies ferrées.  Nous lui avons demandé de parler de son expérience et de transmettre son message à ceux qui pensent qu’ils peuvent battre un train de vitesse. À quelle fréquence sur votre itinéraire entre Ottawa et Montréal voyez-vous des comportements non sécuritaires, que ce soit par des piétons, des cyclistes ou des conducteurs ? Je dirais que peut-être une fois par mois, je vois quelqu’un qui ne fait pas attention aux passages à niveau, même quand ils sont activés.  Le comportement le plus courant est celui des voitures qui tentent de traverser à toute vitesse alors que les barrières s’abaissent ou que les voyants clignotent. Ces choses sont là pour leur protection, pas la nôtre.  Ça m’étonne que les gens les tiennent pour acquises. Si vous pouviez parler à ces personnes, qu’est-ce que vous leur diriez ? Eh bien, je leur ferais simplement réaliser que prendre 30 secondes de leur vie est plus bénéfique que d’être six pieds sous terre.  C’est une question de vie ou de mort.  La différence entre s’arrêter et ne pas s’arrêter à ces lumières peut leur coûter la vie. Ce sont des quasi-incidents.  Est-ce qu’il y a eu des incidents avec des conséquences tragiques ? Je n’ai été témoin que de deux incidents dans mes 17 ou 18 années de travail pour les chemins de fer.  Et le fait est que vous vous y préparez en quelque sorte.  Parfois, si vous avez une vue dégagée du passage à niveau, vous pouvez presque prédire le comportement des pétions, des cyclistes et même des véhicules. Pouvez-vous décrire ce qui s’est passé à l’un de ces incidents tragiques ? Chez VIA, c’est arrivé une fois, avec un cycliste de 79 ans.  Il tentait de traverser une double voie quand les barrières étaient encore baissées et les voyants clignotaient toujours. Un train marchandises arrivait à la gare de triage et sa queue venait de finir de traverser, et nous venions dans la direction opposée.  Je suppose que le gentleman a pensé que les signaux et les barrières étaient là pour le train marchandises et qu’il s’est dit « Bon, il est passé, je peux y aller maintenant », sans réaliser qu’il y avait une autre voie, et qu’un autre train arrivait de l’autre côté.    Et ça a été tellement rapide.  Il a réalisé trop tard qu’il avait fait une erreur.  Sa tête a heurté l’avant de la locomotive quand il a tenté de faire demi-tour à la dernière minute, mais c’était trop tard.   Et qu’est-il arrivé à ce gentleman... ?    Je ne suis pas retournée à cet endroit, parce que j’étais un peu traumatisée.  Mes collègues sont retournés avec la trousse d’urgence, et il était encore vivant à ce moment.  Il était inconscient, mais il respirait.  Mais il est mort pendant son transport vers l’hôpital.   Qu’est-ce que vous avez ressenti ? C’est difficile de décrire ce genre d’émotion.  Pour commencer, c’est une sorte de frustration.  De plus, vous avez une poussée d’adrénaline et vous tentez de la bloquer initialement, parce qu’émotivement, vous ne pouvez pas croire que c’est réellement arrivé.  Il y a aussi un peu de colère, que les gens soient si ignorants du fait que les trains gagneront toujours, contre n’importe quoi.   Quelles sont les conséquences pour vous ?   Il y en a, bien entendu.  Quand je suis témoin d’un quasi-incident, ça me ramène aux vrais incidents qui sont arrivés.  Ça me fait réaliser que j’ai presque tué quelqu’un, ou même, vous savez, seulement blessé quelqu’un.   Si vous pouviez dire une chose sur la façon de se comporter près des trains, qu’est-ce que vous diriez ?   Soyez intelligents.  Réfléchissez bien.   Vous savez que les trains vont gagner.  Tout le temps.  Gagner est un terme mal choisi, mais essentiellement, ces mesures de sécurité sont pour vous, pour la sécurité du public.  Vous le savez ?  C’est ce que je dirais.  Réfléchissez bien avant d’essayer de battre un train de vitesse ou de traverser les voies de façon non sécuritaire.  Même si ce n’est pas un passage à niveau public, même si c’est au milieu d’un champ, faites attention.  Il y a des trains, et ils vont vite, ils sont lourds et ils sont mortels.  Alors, qu’est-ce que vous allez gagner à tenter de battre un train ?  Absolument rien.