Sauter sur un train en marche : Quelques secondes d’excitation peuvent changer une vie à jamais

Il est difficile de traverser son adolescence sans faire quelques erreurs. Mais certaines erreurs ont des conséquences plus graves que d’autres. L’adolescente de Calgary Kennedy Rhodes va vivre avec les conséquences d’une erreur tragique pendant le reste de sa vie.
 
Kennedy a perdu sa jambe gauche alors qu’elle n’avait que 13 ans—uniquement parce qu’elle a pris la décision dangereuse de sauter sur un train. Le 20 mai 2016, elle était avec des amis à Calgary quand elle a tenté de sauter sur un train marchandises en mouvement.  C’était sa première tentative du genre, et elle a eu de la chance de ne pas y laisser sa vie.
 
L’histoire de Kennedy fera l’objet de l’une des huit vidéos mises en vedette dans le cadre de la campagne #FINILesVoiesTragiques 2019 d’Opération Gareautrain pendant la Semaine de la sécurité ferroviaire (du 23 au 29 septembre). Chaque vidéo raconte l’histoire personnelle—et souvent déchirante—de quelqu’un qui a été touché par un incident ferroviaire.

Dans la vidéo, Kennedy parle de la façon dont sa vie a changé le jour où elle a décidé de sauter sur un train. Voici une partie de sa conversation avec Opération Gareautrain.
 
Pourquoi avoir décidé de sauter sur un train ce jour-là ?
 
Eh bien, c’était le vendredi avant le long week-end de mai. Moi et des amis nous promenions.  Plus tôt, nous avions marché sur des clôtures, mais j’avais trop peur alors j’ai décidé de faire quelque chose qui m’effrayait aussi, mais pas autant, juste pour me prouver que je ne suis pas une poule mouillée. Mes amis m’avaient parlé de sauter sur un train en marche—comment ils l’avaient fait et combien c’était super—alors j’ai pensé que ce serait la même chose pour moi.
 
Il y avait un chemin pour se rendre aux voies ferrées que l’un des garçons connaissait très bien. Alors lui et moi y sommes allés malgré le panneau « Défense de passer ». À ce moment, je n’avais pas vraiment peur d’être blessée. J’avais plus peur d’avoir des problèmes avec la police parce que j’apprenais le système de justice à l’école. Je me disais : « Oh non, je vais aller en prison, je vais avoir tellement de problèmes si je me fais prendre. » Alors je me suis dit que j’allais le faire rapidement pour que ça soit fini.
 
À quoi tu pensais au moment de sauter sur le train ?
 
J’étais assez nerveuse. Je me demandais comment j’allais faire parce que le train allait un peu plus vite que ce que j’avais imaginé. Mais je me suis dit que ça ne devrait pas être trop difficile.
 
Le garçon l’a fait en premier. Il a couru le long du train et a sauté sur l’échelle sur le côté du wagon. Il l’a fait à la perfection. J’ai essayé de faire la même chose et j’ai couru le long du train. Je me suis mise devant l’échelle pour l’attraper, mais quand je l’ai fait le train allait un peu trop vite et il a commencé à me traîner. Quand c’est arrivé, j’ai eu peur et j’ai tout lâché.
 
Je me suis relevée et je me suis dit : « Bon, je peux faire mieux que ça » et j’ai réessayé. La deuxième fois, le train m’a encore traînée et c’est là que ma jambe est passée sous les roues. Dès que j’ai compris que le train m’avait heurtée, j’ai tout lâché.
 
Qu’est-ce qui s’est passé après ?
 
J’ai entendu deux wagons rouler sur ma jambe et je l’ai retirée. Je me suis dit pendant un moment : « Ça ne peut pas arriver, ce n’est pas vrai » et j’ai commencé à appeler à l’aide. Je suis immédiatement tombée en état de choc et je ne sentais rien, et j’en suis vraiment reconnaissante. J’ai eu l’impression d’être dans les vapes pendant une minute, comme si tout allait au ralenti.
 
J’ai ensuite compris combien c’était grave. Heureusement, je portais un long legging épais alors je ne pouvais pas vraiment voir la gravité de mes blessures. Je ne regardais pas trop ma jambe parce que je ne voulais pas paniquer. Mais j’essayais de la garder loin du sol parce que je savais que les cailloux étaient très sales. C’est assez drôle en rétrospective, parce que je ne pensais pas à mon avenir ou quelque chose comme ça, je voulais juste ne pas salir ma blessure. J’ai commencé à appeler à l’aide. Mon ami a sauté du train, a couru vers moi et m’a dit qu’il allait chercher de l’aide.  Et il m’a laissée toute seule.
 
Ça a dû être terrifiant, assise là toute seule.
 
Oh oui. J’étais couchée avec ma jambe en l’air, qui se vidait pratiquement de son sang, et je continuais à appeler à l’aide. Heureusement, des gens sur le balcon d’un appartement au troisième étage m’ont entendue et ont appelé une ambulance. Ils sont sortis de l’appartement et ont couru vers moi. J’étais simplement sur le sol, les yeux fermés, essayant de ne pas trop y penser. Mais j’ai su qu’ils allaient m’amputer dès que c’est arrivé. J’ai même dit aux gens : « Ils vont m’amputer, je n’aurai plus de jambe, je ne serai plus jamais la même. » Je me souviens qu’ils tentaient de me rassurer, disant : « Non, ils ne vont pas t’amputer, tu vas garder ta jambe, tout ira bien. » Mais je le savais déjà.
 
Est-ce que ce qui t’est arrivé a changé le comportement de tes amis et leur idée de sauter sur des trains en marche ?
 
Pour autant que je sache, ils ne l’ont pas refait, et je suis très contente parce que sauter sur des trains en marche… Eh bien, j’ai de la chance d’être en vie, parce que je sais que des gens meurent près des voies ferrées, et c’est une chose trop horrible à imaginer. Alors je suis très contente que mes amis ne le fassent plus.
 
Tu parles publiquement de ton accident. Pourquoi avoir décidé de raconter ton histoire ?
 
Parce que j’espère que mon histoire peut faire une différence. Je ne veux pas que quelqu’un meure près des voies ferrées. Et comme ça a failli m’arriver, j’ai vraiment peur que ça arrive à quelqu’un, que sa famille vive une telle chose. J’espère seulement que je peux sauver ne serait-ce qu’une vie. Je sais que dans l’ensemble une vie peut ne pas sembler super importante comparativement aux 7 milliards de personnes sur la terre. Mais pour une famille, ça peut être la fin du monde.