Chaque année, 2 100 Nord-Américains sont grièvement blessés ou tués dans des accidents liés aux passages à niveau et aux intrusions. Ces tragédies ne touchent pas que les victimes—elles déchirent des familles, des amitiés et des communautés entières.
Très souvent, les victimes sont des jeunes qui prennent des risques—comme Jafari Williamson. Le 21 mars 2009, ce garçon de 18 ans et ses amis sont descendus d’un train de banlieue à Port Credit, en Ontario, et ont ensuite sauté sur le côté du train alors qu’il quittait la gare. Brad Johnston était présent ce jour fatidique. Lui et son meilleur ami Jafari avaient déjà sauté sur des trains des centaines de fois—mais ce jour-là, la cascade a pris la vie de son ami et a changé celle de Brad à jamais.
L’histoire de Brad fait l’objet d’une des quatre nouvelles vidéos produites dans le cadre de la campagne #FINILesVoiesTragiques d’Opération Gareautrain. Les vidéos sont dévoilées pendant la Semaine de la sécurité ferroviaire, qui a lieu du 19 au 25 septembre. Dans cette vidéo, Brad parle du décès de Jafari et des conséquences à long terme qu’il a eues sur lui. Voici une partie de sa conversation avec Opération Gareautrain.
Comment décrirais-tu ton amitié avec Jafari ?
Nous nous sommes connus quand j’avais environ neuf ans, et j’ai été son meilleur ami jusqu’à l’âge de 17 ans. Dès que nous nous sommes rencontrés, nous sommes devenus inséparables. Si je n’étais pas chez lui, il était chez moi. Nous étions ensemble tous les jours pendant toutes ces années. Il était mon meilleur ami et il le sera toujours.
Comment décrirais-tu Jafari ?
C’était un garçon athlétique. Il ne marchait jamais—il courait tout le temps. Son activité favorite était le basketball. Il était un excellent joueur de basket. Le meilleur aspect de sa personnalité était qu’il allait toujours près du terrain de basketball et, s’il voyait quelqu’un qui était mis à l’écart et qui ne pouvait pas jouer, il le prenait sous son aile. Il l’emmenait avec lui et il lui apprenait à jouer. C’était un garçon très drôle, comique et joueur. Il pouvait vous mettre dans une colère noire pour ensuite vous faire rire en une seconde, juste en souriant. C’est l’une des meilleures personnes que j’ai jamais connues.
Quel rôle le train GO jouait dans votre vie avant l’accident ?
Lui et moi prenions le train GO de quatre à cinq fois par jour, entre les gares de Port Credit et de Clarkson, parce que nous vivions chacun d’un côté des voies. J’allais chez lui le matin, et ensuite on allait chez moi—et ainsi de suite. Nous étions donc dans le train toute la journée. Quand nous descendions du train, nous attendions que les portes se referment et nous sautions sur le côté du train. Jafari était normalement devant et moi derrière—puis nous sautions au bout du quai et nous partions en courant. On faisait ça parce que c’était un raccourci, et quand on a cet âge, on ne veut que s’amuser non ? On l’a fait tellement souvent et ça ne nous a jamais gênés. C’était excitant.
Que s’est-il passé ce jour tragique de 2009 ?
Ce jour-là, j’étais devant et Jafari derrière. Mais quand nous avons sauté, il a trébuché sur mon pied, il est tombé par terre et il a roulé sous le train. Quand il était sous le train, entre les roues, il a tenté de m’attraper, et j’étais à un centimètre de sa main. Mais le train l’a tiré jusqu’au bout du quai et quand je l’ai vu, ce n’était pas la personne que je connaissais.
Comment le fait de voir ton meilleur ami mourir comme ça t’a-t-il affecté ?
Ça m’a affecté au point où je n’arrive plus à bien dormir depuis. Pendant deux ans et demi après l’accident, ma famille a dû me surveiller pendant mon sommeil, parce que le médecin disait que si je rêvais que j’attrapais sa main et que j’étais tiré sous le train, je ferais une crise cardiaque. Ça ne fait probablement qu’un an ou un an et demi que j’arrive à dormir pas trop mal. Mais je fais toujours ce rêve au moins une ou deux fois par semaine.
Quand tu y repenses, pourquoi preniez-vous de tels risques ?
Nous n’avons jamais réalisé combien il était dangereux de sauter sur un train. À l’époque, nous trouvions ça amusant. Nous étions accros à l’adrénaline. Nous faisons toutes sortes de choses exaltantes, comme sauter d’immeubles de deux étages. C’est l’une des choses que nous adorions faire. On a dû le faire une centaine de fois. La seule différence est que j’étais devant, et que j’étais plus lent. Alors quand j’ai sauté, il a sauté derrière moi, mais j’étais trop lent, et il a accroché l’arrière de mon pied. J’aurais dû mieux réfléchir à ce que je faisais. Si j’avais réfléchi, je ne serais pas où je suis aujourd’hui.
Où serait Jafari aujourd’hui s’il n’y avait pas eu ce tragique accident ?
S’il était toujours parmi nous, il serait probablement dans la NBA. Il ferait des merveilles en ce moment même. Et pour être honnête, s’il n’y avait pas eu cet accident, ma vie serait très différente. Quand je l’ai perdu, j’ai traversé une période très sombre. S’il avait été là, il m’aurait aidé à la traverser. Ça me manque de ne pas pouvoir lui demander conseil—juste qu’il soit là. Les sourires, la gaieté…tout ça me manque.